Pourquoi donc le développement n’intéresse plus les économistes du Niger ?
Une conférence tenue à Niamey en Novembre 2022 par Stefan Dercon, publiée ensuite sous la forme d’une tribune sur le développement du Niger, a suscité si peu d’écho, que l’on passe peut-être à côté d’une réelle opportunité pour un débat public de bonne facture sur l’avenir de notre pays. C’est d’autant plus surprenant que des discussions enflammées saluent chaque année la publication du classement de l’IDH par exemple. A l’exception d’une lecture intéressante mais centrée exclusivement sur la dimension politique du propos, publiée par Moussa Tchangari, militant altermondialiste, il n’y a pas eu, à ma connaissance, de commentaire ni de réaction discutant substantiellement ce texte.
II y a pourtant plusieurs bonnes raisons pour que cet essai sur le développement de notre pays suscite davantage d’intérêt. La première de toutes est bien évidemment la nature des « credencials » de l’auteur : Stefan Dercon est un académicien et pas n’importe lequel, - il est prof à Oxford-, et son livre « Gambling in development. Why some countries win and others lose ? » après celui de Daron Acemoglu et David Robinson « Why Nations Fail ? », est l’un de ceux qui ont contribué à ressusciter, dans le champ propre de l’économie du développement (celui de l’étude de l’économie des pays pauvres, non encore industrialisés), une préoccupation centrale des fondateurs de l’analyse économique. C’est en effet à la publication de son « An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations », par Adam Smith, en 1776 que le consensus des historiens de la pensée économique fait remonter la naissance même de cet art.
La question à laquelle il s’attaque est essentielle, presque existentielle pour notre pays. II faut l’en remercier. Mais Stefan Dercon a été aussi « Chief economist » de DFID, l’Agence britannique de développement. II n’est donc pas seulement un théoricien, mais également un praticien de haut niveau du développement international contemporain. II connaît bien « le dialogue de politiques de développement » pour y avoir participé dans plusieurs pays. II en a gardé le goût des experts internationaux pour les anecdotes croustillantes, qui émaillent leurs carnets de voyage, simplifiant parfois jusqu’à la caricature le comportement des responsables nationaux des pays en développement. L’opposition théâtrale qu’il décrit entre une réunion avec les dirigeants d’un pays qui « sont engagés pour le développement », l’Éthiopie, et ceux d’un autre pays qui se contentent de « frimer » en RDC, en est une. Plus important est l’approche choisie, une analyse d’économie politique, donc à l’intersection de l’économie et de la politique, pour faire le lien entre le développement (pas seulement la croissance) et la démocratie, en nommant les acteurs, en débusquant leurs conflits et les enjeux, en abordant frontalement les questions de répartition et d’inégalités. II faut saluer à cet égard le courage de l’auteur, car les experts préfèrent, le plus souvent, se réfugier dans des discours techniques, plus convenus, avec comme prétexte la neutralité scientifique bien commode.
Quatre narratifs sont généralement mobilisés en économie politique pour expliquer, alternativement et parfois conjointement, la persistance de la pauvreté.
-Le sous-développement persiste parce que les conditions auxquelles sont confrontés certains pays pauvres sont extrêmement difficiles. II faut plus d’aide….0,7% du PIB (un peu de Harrod-Domar) …Jeffrey Sachs.
-C’est une question de gouvernance et d’institutions (politiques) qui tolèrent le clientélisme, voire le génèrent avec, en plus, la corruption…(version en ce moment un peu à la mode pour l’Afrique).
-C’est un manque d’institutions (économiques) appropriées pour que les nationaux génèrent de la croissance grâce à leur propre participation aux marchés et à leur « agentivité » (Acemoglu, Robinson, North etc.).
-C’est une question opérationnelle, qui requiert de trouver les projets et programmes qui fonctionnent bien et dans quel type de cadre institutionnel (Esther Duflo, Banerjee).
Sur ce sujet, comme sur quelques autres encore, c’est bien connu, chaque économiste a son opinion, sans qu’il y en ait toujours une qui domine les autres, ou qui rassemble un consensus très fort. On peut donc s’étonner que, par indifférence ou intimidés par la stature du conférencier, nos économistes, chercheurs, professeurs ou professionnels des politiques publiques, soient restés muets après la magistrale conférence de Stefan Dercon. Et pourtant, la thèse développée n’est pas exempte de points discutables, dans l’application faite au cas du Niger.
Des approximations qui laissent perplexes
II me semble que l’on peut demander une description plus détaillée de l’évolution politique et économique du pays sur la période étudiée. Poser comme factuel que le Niger a été stable sur la période d’analyse est une prémisse contestable.
De 1990 à 2020, on peut aisément dégager trois périodes distinctes (Graphique ci-dessus). La première décennie (1990-2000) est caractérisée par une forte instabilité politique (Conférence nationale, rébellions armées, cohabitation chaotique entre un président élu et une opposition majoritaire au parlement, deux coups d’État militaires). Durant toute la période, le PIB par tête a baissé continuellement (moyenne des taux de croissance annuelle, -3.24%). La séquence suivante (2000-2010) a été une décennie de stabilité politique, mais non de prospérité économique, les années de croissance du PIB par tête étant immédiatement suivies d’années de récession (moyenne de croissance +0,33%). On peut parler alors de stagnation, en tout cas de stabilité sans croissance. Ce n'est qu’à partir de 2010 et le retour à la stabilité politique après une turbulence de courte durée (un coup d’état constitutionnel suivi d’un coup d’état militaire) que la stabilité retrouvée commence à « payer » par une croissance systématiquement positive du PIB/T,(moyenne de croissance de 2,2%) avec des pics à plus de 6%. Cette séquence de croissance, interrompue par la pandémie du COVID 19, semble se poursuivre désormais.
Par rapport à l’Éthiopie dont la situation a été contrastée avec celle du Niger, ce qui a été stable et s’est même amplifié, c’est l’écart entre les courbes de croissance de la population. Depuis l’inversion des courbes en 1996, notre population a augmenté systématiquement plus vite que celle de l’Éthiopie qui a infléchi significativement sa croissance démographique.
*Le principe d’Ockham *
Stefan Dercon relève, avec raison, trois indicateurs de stagnation. Le PIB/tête qui ne croit pas, le nombre de pauvres qui augmente (de 7 à 11 millions depuis 1990 selon ses chiffres) alors même que le taux de pauvreté diminue (de plus de 48% en 2011 a moins de 43% en 2020), les effectifs des enfants non scolarisés qui augmente aussi (de 1 à 1,4 million), alors même que le taux de scolarisation lui aussi augmente (de 27% en 1990 à 75% en 2018). II y a, me semble-t-il, un dénominateur commun à tout cela qui est, depuis 1990, notre croissance démographique. La persistance d’une fécondité élevée, malgré la baisse nette de la mortalité infantile, fige le pays dans la deuxième phase de la transition démographique. La rationalité de nos choix micro-économiques de fécondité reste une énigme, mais leur conséquence macro-économique n’en est pas moins contraignante pour toutes nos politiques publiques. Qu’il n’y ait pas de réponses efficaces et à notre portée (nous ne sommes pas la Chine, pour faire une politique de l’enfant unique) est une chose, mais l’on ne peut ignorer la sévérité de la contrainte. En effet, entre 1990 et 2020 la population de l’Éthiopie, (qui a réduit sa croissance démographique de 4% en 1991 à 2.4% en 2020), a été multipliée par 2,45 alors qu’au Niger (avec un taux de croissance démographique en hausse de 3,1% en 1992 à 3,7% en 2021), elle a été multipliée par 2,91 (Graphique ci-dessus).
Source. Banque mondiale.
Le professeur Dercon connaît évidemment le principe de parcimonie d’Ockham, qui consiste à préférer l’explication la plus simple. II est clair ici qu’avec une croissance démographique plus faible que la nôtre, aucun des indicateurs retenus ne serait stagnant depuis 1990. Peu importe la façon d’articuler la question, la persistance d’une croissance démographique élevée fait partie du problème. Même si l’on ne connaît pas la recette du développement, puisque l’on en connaît les ingrédients, il ne devrait pas être difficile de reconnaître ceux qui manquent et ceux qui risquent d’être surdosés.
*Qui sont nos élites ?*
En réalité, l’engourdissement de notre intelligentsia ne frappe pas que nos économistes. Nos « political scientist », nos sociologues et anthropologues, habituellement prompts à invoquer notre culture ou nos réalités nationales pour stigmatiser l’arrogance supposée des économistes, semblent eux aussi tétanisés. Puisqu’ils ont choisi de se taire, ils nous pardonneront peut-être de partager ces quelques conjectures profanes sur le rôle des élites au pays.
On peut, en effet, interroger l’usage qui est fait de la notion d’élite, sans nuances ni davantage de précisions, dans le cas de notre pays. II y a certes, chez nous comme partout, une élite définie génériquement comme ceux qui gouvernent effectivement le pays. Chez nous, elle revêt aujourd’hui la forme de quelques groupes d'intellectuels et de diplômés, qui ont su s'organiser pour accéder au pouvoir d'État, à la faveur des élections post conférence nationale. Mais il y a aussi les élites (au sens des meilleurs de la classe dans chaque catégorie sociale) qui, sans gouverner directement, sont des acteurs importants des choix collectifs car ils participent à la détermination de l’agenda du développement et donc de son économie politique. Or chez nous, ces élites-là, loin d’être unifiées par la fortune ou par la culture, me semblent au contraire composées de groupes hétéroclites aux intérêts mal définis et probablement irréconciliables (chefs traditionnels, leaders religieux, oulémas arabisants ou simples récitateurs du Saint Coran, syndicalistes, activistes de la société civile, officiers de l’armée, militants professionnels à temps plein de partis politiques, leader étudiants, grands commerçants, députés et autres élus dont certains sont analphabètes, etc.). II faudrait peut-être distinguer les « élites économiques », celles qui maximisent leur part de la valeur ajoutée par l’activité productive ou commerciale, des « purs chasseurs de rente », qui seraient les perdants d’institutions économiques plus inclusives et donc aussi du développement lorsqu’il se produira.
Une autre composante principale de ces élites est fournie par les hauts fonctionnaires, « technocrates » de l’administration publique. A regarder de près, on s’aperçoit assez vite que ceux-ci sont de moins en moins, notamment dans l’administration centrale des ministères, et plus encore dans l’administration territoriale (la préfectorale, comme on dit en France), les chefs respectés d’une bureaucratie dans laquelle les parcours obéissent à une logique de carrière (comme dans l’armée ou tout capitaine a été lieutenant et où l’on choisit normalement les généraux parmi les colonels). Or, c’est la carrière (emaillée de la sélection à l’entrée, des rites de passage, etc.) qui forge l’esprit de corps, le sentiment d’appartenance et donc aussi « la conscience de classe » et le sens d’une responsabilité collective. Dans notre administration, tout se passe comme s’il s’agit d’organisations de postes, reconstituées à chaque remaniement ministériel, un peu comme l’on compose l’équipage d’un avion de ligne pour chaque vol.
De fait, notre administration publique, avant de devenir cette force inertie qui l’a rendue incontrôlable par le pouvoir politique, -ce que rappelle Stefan Decor- s’est d’abord affranchie de toutes les règles et procédures d’une administration cohérente, disposant d’une mémoire institutionnelle et fonctionnant pour transmettre fidèlement, donc de façon prédictible, les décisions politiques prises pour produire des biens et des services publics. Comme l’ont bien montré les travaux de Jean Pierre Olivier de Sardan (la revanche des contextes, 480 pages, Karthala, Paris, 2021), notre administration fonctionne en réalité selon des « normes pratiques », façonnées par des comportements « non observants », obéissant à des « logiques sociales », n’ayant qu’un rapport lointain avec les règles formelles, légales et réglementaires et les méthodes modernes de « public management ». La fin ou la disparition progressive des carrières normées et des itinéraires qui y conduisent, semblent avoir littéralement « de-professionnalisé » beaucoup de nos services publics. C’est pourquoi, le consensus -le pacte de l’élite- devra nécessairement inclure aussi une réhabilitation de l’administration publique.
La faiblesse du capital social, c’est-à-dire de confiance mutuelle nécessaire à l’action collective, en installant la méfiance entre les gens surpondère la loyauté par rapport à la compétence, renvoyant souvent les gens à la sécurité de leur affiliation politique, familiale, identitaire, ethnique ou régionale. La compétition politique qui a exacerbé l’esprit partisan, concourt, elle aussi, à une délégitimation de la méritocratie, tournée en bourrique ou falsifiée par des parchemins douteux, des tricheries et des passe-droit de toutes sortes lors des concours et examens de recrutement.
Nous n’avons pas d’institutions pour produire et reproduire des élites (rien qui ressemble aux grandes écoles à la française, au Ivy League US ou aux universités d’élite britanniques pour ne citer que ceux-là). Pour toutes ces raisons, nos technocrates à nous, n’ont plus rien avoir avec des mandarins chinois, recrutés selon une règle méritocratique stricte et strictement appliquée, héritage de l’empire du milieu. C’est l’efficacité de ces derniers qui permet au parti communiste chinois de « piloter » centralement, une économie de marché concurrentielle, mondialisée et totalement décentralisée. Ce sont ces mandarins qui exécutent, aujourd’hui encore, avec rigueur et efficacité les décisions du centre, ce qui donne au leadership davantage d’effectivité. C’est sur eux que « l’indestructible Deng » s’est appuyé pour réformer, malgré les ravages de révolution culturelle, l’économie de la Chine (cf chapitre 12 pages 319-335, que lui consacre Henry Kissinger, dans son « sur la Chine », Librairie Fayard 2012, pour la traduction française). Chez nous, la métamorphose qu’a connu le modèle bureaucratique hérité du colonialisme (modèle qui n’avait évidemment pas vocation à produire du développement) a eu deux conséquences perceptibles. La politique publique a perdu beaucoup de son pouvoir de transformation et les agences qui dispensent l’aide extérieure, que l’on appelle, partenaires techniques et financiers dialoguent de plus en plus avec eux-mêmes. Ils créent les ONG qui recrutent ensuite ceux des fonctionnaires qui savent leur parler et récompensent les administrations qui adoptent leur langage. Et comme le financement des projets dépend pour beaucoup des « Partenaires Techniques et Financiers », on aboutit au rôle surdimensionné qu’ils jouent dans le choix de ce qu’il convient de faire, ce que décrit l’anthropologie du développement et que dénoncent parfois certains analystes.
On peut, dans ces conditions, risquer l’hypothèse « d’élites déficientes », d’autant plus plausible que les groupes censés en tenir lieu semblent incapables de construire un consensus sur certains fondamentaux essentiels et évidents de notre contexte de développement. La question démographique est un exemple éloquent, mais non le seul.
*Mieux définir les leviers du changement souhaitable*
Dans un pays où le taux d’alphabétisation est de l’ordre de 30%, on peut même se demander si nous disposons de la masse critique nécessaire pour que l’élite soit le principal acteur du changement, mais c’est là « un autre débat, d’un autre temps ».
Que les institutions économiques et autres soient le fruit d’une histoire est désormais admis par toutes les sciences sociales dont les économistes. Mais aucune société n’est définitivement prisonnière de son histoire, ni surtout victime d’une sorte de « programmation historique », comme on peut être « génétiquement programmé » pour développer une maladie ou reproduire fatalement des comportements, comme le font les animaux. Les anthropologues théorisent aujourd’hui les normes sociales elles-mêmes comme résultant d’une « évolution psychologique », (évolution au sens darwinien) se concrétisant par des transformations non pas biologiques mais principalement culturelles, qui s’agrègent ensuite pour produire des institutions inclusives, plus favorables à la croissance et au développement. (Joseph Henrich: The WEIRDest people in the world, Farrar, Straus and Giroux, New York 2020).
II est facile ensuite de convenir avec Dercon que la stabilité, nécessaire, n’est pas suffisante, ni même soutenable lorsqu’elle se transforme en immobilisme. On peut en effet s’installer dans une situation d’équilibre de Nash, sous optimale pour tous mais dont il est d’autant plus difficile de se sortir que la confiance mutuelle entre les acteurs est faible. Mais la stabilité est indispensable pour s’attaquer, avec succès, à la résolution des problèmes structurels, sans quoi, il n’y aura ni croissance ni développement. II est juste d’ajouter que la stabilité, lorsqu’elle est possible, est presque toujours plus désirable que l’instabilité qui est contre-productive et entraîne des coûts évidents et lourds en termes de développement (1990-2000 par exemple).
Quant au changement pour le mieux, il reste possible, ne nécessite pas que l’on se procure une histoire différente, mais que l’on ait une détermination résolue de vouloir changer notre avenir. Deng Xiaoping, mais on peut aussi ajouter Bourguiba avec le code du statut personnel ou le Général Park Chung-hee en Corée du Sud sont des exemples récents (non des modèles) que la chose est possible. C’est donc bien que « *Indeed leadership matters »*. Stefan Dercon suggère que notre pays n'en est pas totalement dépourvu. Nous avons donc une solide raison d’espérer.
*Le clientélisme n’est pas une question de moralité de la classe politique *
Enfin, même sans être vraiment qualifié ni suffisamment informé pour discuter sur la nature et l’étendue du clientélisme au Niger, on peut admettre avec Stefan Dercon que la chose existe. Pour autant, la proposition implicite qui voudrait que le clientélisme soit l’obstacle dirimant à la croissance économique, avancée comme procédant de l'évidence, est discutable en principe, mais aussi dans les faits chez nous. En réalité, notre pays a enregistré des périodes de croissance continue du PIB/T (+2,2% entre 2010 et 2020) et cela malgré le redoutable déflateur démographique. Ce n’est pas le « miracle ivoirien » des années 1970, mais ce n’est pas une stagnation. Et puis, le clientélisme n'est pas une maladie de pays en développement ni une question de moralité de la classe politique. Francis Fukuyama soutient que le clientélisme est un effet pervers qui se produit partout où la démocratie s'installe AVANT que l'Etat (au sens d’un système de pouvoirs et de règles, administré par une bureaucratie suffisamment rigoureuse et capable d'imposer la règle de droit, y compris aux dirigeants élus) ne soit assez fort. II précise aussi que le clientélisme a même pu favoriser parfois la croissance économique (je ne dis pas le développement) comme aux USA et en Corée du Sud, en stimulant des politiques économiques favorables aux investisseurs (in "Political order and Political decay" page 135 chapitre 9 intitulé "the United State invent clientelism"). Tout dépend un peu aussi de ce que l’on fait du clientélisme.
Quoi qu’il en soit, ce n’est jamais une bonne nouvelle que les intellectuels désertent le débat public, car comme le dit si bien Deng, « nous avons besoin de très nombreux défricheurs qui osent penser, explorer des voies nouvelles et concevoir des idées nouvelles. Sinon, nous ne serons pas capables de débarrasser notre pays de la pauvreté et de son retard ou de rattraper -encore moins surpasser- les pays avancés » (Emancipate the Mind, Seek the Truth from Fats and Unite As one in Looking into the future : December 13,1978 » in selected Works of Deng Xiaoping, vol. 2 p.152, cité par Henry Kissinger, Sur la Chine, page 332).
Pour ma part, ce que je voudrais retenir de l’essai de Stefan Decor, c’est qu’au Niger la stagnation économique n’est pas tenable, parce qu’elle perpétue et aggrave les inégalités, génératrices d’instabilité. Or l’instabilité est un puissant frein à la croissance économique. II faudra donc maintenir notre relative stabilité pour créer les conditions d’une augmentation soutenue de notre revenu par tête. Une croissance tirée par des ressources naturelles est d’autant moins probable que l’augmentation rapide de notre population réduit à peu de choses la rente additionnelle disponible par personne. La priorité à l’éducation des filles est par conséquent pertinente aussi par ses externalités démographiques. Les élites réelles paraissent peu ou pas préparées à conclure un pacte de développement. C’est donc à l’élite dirigeante qu’il incombe de le faire. L’État ne pourra pas se contenter d’être un Etat exclusivement et totalement social, pourvoyeur d’éducation, de santé, d’eau et même d’emplois à tous, parce qu’il n’en aura pas les moyens. II ne pourra pas non plus se satisfaire de ne fournir que les biens publics essentiels, régaliens, que sont la justice et la sécurité. II devra assumer un rôle plus actif dans la transformation économique du pays et la promotion d’institutions efficaces à cet effet.
M. Kiari Liman Tinguiri
Kiari Liman Tinguiri est économiste du développement. II occupe actuellement la fonction d’ambassadeur du Niger aux USA. II s’exprime ici à titre personnel et les opinions contenues dans le texte ne reflètent pas les vues du gouvernement nigérien et n’engagent que lui et lui seul.