L’après CFA vient de commencer, sans le Ghana ni le Nigeria. Si l’Eco n’est pas encore ou pas tout à fait le « CFA sans la France », Abidjan est déjà, pour la nouvelle monnaie, dans son rôle, celui que joue Berlin pour l'Euro. C’est en effet tout sauf fortuit que ce soit le président Ouattara qui annonce, avec le Président Macron, ce cadeau de Noel aux anti-CFA. L’Eco ne se fait ni complètement sans la France, ni indépendamment de l’euro, puisque la première donne a la nouvelle monnaie commune, le parachute qui lui permettra de rester arrimé à l’euro, en cas de crise, selon la presse du jour. Le CFA est donc dépassé, car les français quittent les organes de direction et de gestion de la monnaie commune, et le trésor français clôt le compte d’opérations, ce qui met fin à la centralisation des réserves de change et au dépôt d’une partie dans ses livres. Et comme souvent en économie, mais pas seulement, le diable est dans les détails, il faudra attendre de les connaître, puis de les voir fonctionner, pour pouvoir classer le nouveau né, l’eco, dans une catégorie. C’est seulement lorsque l’on saura, en détail, ce que c’est que l’on pourra savoir vers où la chose pourrait nous mener, car comme disent si bien les médecins, aucun pronostic n’est possible sans diagnostic. Mais on peut d’ores et déjà poser et se poser quelques questions.
1. La centralisation des réserves de change, c’est à dire principalement des recettes d’exportation, va évidemment se poursuivre , en dehors du Trésor français, mais quel sera alors le rôle exact de la garantie française? Paris va t-il être un FMI intermédiaire, assurant que les politiques macroéconomiques nécessaires à la parité fixe sont mises en oeuvre, avant le recours éventuel au programme avec le FMI ? 2. Quelles sont les implications sur le statut et le mandat de la Banque centrale de cette « rupture des amarres ». La Banque centrale devra-t-elle réajuster périodiquement, par exemple tous les six mois, le taux de change fixe avec l’euro en fonction du nombre de mois de la facture d’importation assurée par les réserves de change dont elle dispose? 3. Le gouverneur de la BCEAO restera-t-il toujours un ivoirien, désigné de façon souveraine par le président ivoirien ou sera-t-il sélectionné par un processus un peu plus transparent avec un input substantiel des autres pays membres et par exemple un système d’audition publique des candidats? 4. Puisque le taux de change fixe avec l’euro sera la règle, à quelles conditions pourrait on procéder à des ajustements de ce taux, autre que techniques et périodiques, c’est à dire recourir à d’éventuelles dévaluations, que ce soit pour des raisons « offensives » á la recherche de la compétitivité de certaines filières par exemple, ou contraint et forcé par un déficit extérieur devenu structurel et difficile à financer autrement. 5. Dans la perspective d’une entrée des autres pays de la CEDEAO dans l’eco, le taux fixe et le parachute français seront- ils maintenus et si oui à quelles conditions.
Kiari et Zacharie Liman-Tinguiri