La croissance économique de l’Afrique en 2013.
Avec un PIB régional de 1200 milliards de $ US en 2011[1], l’Afrique au Sud du Sahara (ASS) est toujours la région qui crée le moins de richesse, contribuant à peine plus que l’Australie et deux fois moins que la France à la création mondiale de valeur ajoutée. La place de l’ASS dans le monde est donc toujours la moins enviable, puisqu’avec près de 12% de la population mondiale, les africains doivent se contenter, même en parité de pouvoir d’achat, de 2.5% du PIB global de la planete, l’africain moyen produisant 2380$, soit à peine plus qu’un cinquième de la moyenne mondiale (11480$).
La bonne nouvelle, car il y en a une, c’est que le PIB regional total croît plus vite en Afrique que nulle part ailleurs, (5.2% lorsque le monde affiche 3.3%), ce qui signifie que, “toutes choses égales par ailleurs” que l’ASS devrait à terme rattrapper les autres confirmant l’hypothèse de la convergence chère à certains théoritiens de la croissance. Sauf que les choses ne restent jamais égales par ailleurs, car les autres se réforment pour retrouver les chemins d’une croissance plus forte, en consentant parfois des sacrifices très importants et quelque fois politiquement risqués (Grece, Espagne etc….).
Pour un pays en développement, ce qui compte vraiment en matière de croissance, c’est celle du PIB par tête qui reflète la productivité de l’economie et autorise un niveau de revenu plus élévé, promesse d’une vie meilleure. II suffit pour s’en convaincre de penser à l’Inde, 9ème économie mondiale par le volume de son PIB[2] ou encore à la Chine, 2ème plus grosse économie du Monde après les Etats Unies d’Amerique. La réalité des chiffres est que l’indien jouit d’un niveau comparable à celui du nigérian (PIB par tête de 1410$ par tête contre 1280) nettement inférieur à la moyenne africaine. Le chinois lui, réalise un revenu par tête de 4430$ loin derière le sud africain moyen (7280$). Ce dernier produit donc en moyenne, plus que l’indien et le chinois réunis.
Les deux géants asiatiques ont en effet une population trop nombreuse mais une croissance démographique désormais maîtrisée. Dans la plupart des pays subsahariens, la population est déjà trop nombreuse et la croissance démographique toujours explosive. C’est sans doute le principal défi que les pays du Sud du Sahara doivent relever, s’ils veulent, à leur tour, “converger” avec les pays déjà développés.
L’exemple le plus édifiant du “handicap” démographique est peut être celui du NIGER. Voilà un pays qui a réalisé, sur la periode 2000-2010 une croissance économique remarquable (5.3% par an en moyenne), parmi les 50 meilleures performances du monde sur les 195 pays classés, mais qui à l’arrivée affiche le 7ème plus faible PIB par tête (360$ US) et l’IDH le plus faible du monde. C’est que le pays connaît la plus forte croissance démographique du monde (3.52%), en raison d’un taux de fertilité de 7 enfants par femme en âge de procréer (taux également le plus élévé du monde) avec par ailleurs la population la plus jeune du monde par l’âge median (15.5 ans). Toutes choses égales par ailleurs, c’est la recette parfaite de la stagnation, plus probablement de la regression. Heureusement les choses ne restent jamais égales, c’est pourquoi, il y a encore de l’espoir, mais non sans conditions ni surtout sans efforts. Mais revenons à l’Afrique et à sa croissance économique.
Si dans chaque pays “la formule” de la croissance rapide est différente car dependant très fortement des conditions spécifiques qui y prévalent, les ingrédients de la “chimie” génératrice de croissance sont les mêmes partout. Sur ce plan, II y a aujourd’hui un consensus assez large parmi les économistes du développement, ceux de l’académie aussi bien que ceux du terrain, pour admettre qu’au rang des obstacles à la croissance en Afrique, il y a la faiblesse de l’investissement privé et de la création d’entreprises. II reste donc à identifier complètement le problème, en utilisant un cadre logique permettant de remonter, dans chaque pays, aux causes succeptibles d’être “traitées” par la politique économique. C’est très exactement la démarche que Hausmann, Rodrick et Vélasco[3] (HRV) ont imaginé et appliqué à plusieurs pays et qu’ils ont appellés “diagnostics de croissance”. L’approche HRV, formalisé dans un modèle de croissance et schematisé par un arbre de décision, aboutit à dresser, parmi les facteurs suivants, la liste de ceux succeptibles de constituer, à court terme, un frein puissant à la croissance économique, dans le pays considéré, pour s’attaquer en priorité à ceux qui entravent le plus l’investissement.
· Faiblesse du capital humain: (9 des 10 pays ayant le plus faible taux d’alphabetisation des adultes sont en ASS).
· Risques microéconomiques -droits de propriété, corruption, impots- (6 des 13 pays percuss comme étant les plus corrompus sont africains).
· Risques macroéconomiques -instabilité financière, monetaire, budgétaire- (7 des 10 pays ayant les ratio de deficit de la Balance des payments au PIB les plus élévés sont africains).
· Marchés dysfonctionnels -Absence de couverture possible des risques, Défaut de coordination- (Poids excessif du secteur informel, amenagement du territoire deficient, dans Presque tous les pays)
· Faiblesse de l’ éparne intérieure (qui crée une forte dependence par rapport à l’aide et aux financements exterieurs)
· Intermédiation insuffisante (faible bancarisation des acteurs de l’économie, rationnement chronique du credit)
II va sans doute falloir faire ralonger la liste en s’ouvrant à d’autres disciplines, et surtout en puissant dans l’experience du terrain, pour décomposer et “traiter” des facteurs comme la fragilité des états, le deficit de leadership ou l’absence d’élite dans certains des pays africains, impossible à ignorer pour faire un inventaire complet des obstacles à la realization du potential de croissance économique de l’Afrique.
Nous vous proposerons de revisiter en 2013 dans ce blog, de facon plus systématique encore qu’en 2012, avec une nouvelle entrée la dernière semaine de chaque mois, et en mettant parfois l’ accent sur un pays particulier, tous ces facteurs de la croissance et du développement en Afrique. C’est notre façon à nous de contribuer, modestement certes, mais avec enthousiasme au “débat africain”, débat d’autant plus nécessaire que tout indique aujourd’hui ques les bonnes politiques publiques produisent de bons résultats partout y compris en Afrique.
Bonne année 2013 à tous.
Kiari.
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[1] Sauf indication contraire, tous les chiffres sont ceux de : Pocket World in Figures ;the Economist, edition 2013.
[2] L’inde est même la deuxième économie, si on fait les comparaisons en Parite de Pouvoir d’Achat et non en $ US au taux de change du marché.
[3] Voir notamment le tout premier article :Hausmann Ricardo, Dani Rodrik and Andrés Velasco, 2005, « Growth diagnostics » John F. Kennedy School of Government, Harvard University, (Cambridge, Massachussetts) ; http :// ksghome.harvard.edu/~drodrik/barcelonnafinalmarch2005.pdf