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II faut peut être revenir à la construction des états

Posted on 2014/01/07

L’année 2013 aura été en Afrique subsaharienne, celle d’une fragilisation plus grande de certains états (Mali, République Centrafricaine, Sud Soudan) et même de régions entières (le Sahel), malgré la croissance économique remarquable des pays du continent. On compte en effet six pays africains ( Sierra Leonne 19,7% Niger 11,2%, Côte d’Ivoire 9,8%, Angola 8,4%, Liberia 8,3% et Burkina Faso 8,0%) parmi les 20 vingt plus forts taux de croissance économique enregistrés dans le monde en 2012. Ce sont aussi tous ou presque des états fragiles. Une bonne performance économique d’une année n’est certes pas suffisante pour sortir un pays de la fragilité et un taux de croissance ne reflète pas toujours la qualité de la gouvernance ni même la pertinence des politiques publiques. II reste que c’est là une illustration supplémentaire de la compatibilité entre croissance économique et fragilité étatique. Mais il y a pire puisque les elections, mêmes considérées comme free and fair, ne semblent pas prémunir contre les rebellions et les coup d’états, vecteurs de fragilisation, comme on l’a vu au Mali. La légitimité electorale n’est donc pas suffisante pour garantir la sécurité des institutions politiques, ce qui semble discréditer la démocratie elle même, dont on voit par ailleurs qu’elle n’est pas nécessaire pour assurer la croissance économique, comme la Chine en fait la démonstration depuis trente ans. II faut donc défendre la démocratie pour elle même, comme une condition nécessaire de la liberté et par suite indispensable au progrès des nations. Mais alors pourquoi la Chine peut croitre, durablement, même sans démocratie, et rester à l’abri de toute déstabilisation lorsque ni la croissance ni la démocratie ne protège les pays africains des risques de désintégration ? Une hypothèse féconde me semble être qu’en Chine, il y a un état, dont l’origine remonte sans doute aux empires millénaires, mais qui est resté suffisamment solide pour absorber les révolutions, initier ou conduire les réformes et contenir les revoltes de sorte que tout ou presque peut changer dans la société sans remettre en cause l’existence même de l’état. II faut evidemment beaucoup de temps pour se doter d’un tel état, mais il est essentiel d’en reconaître la nécessité, surtout en Afrique. La chose n’est pas aisée à définir par ce qu’elle est mais assez facile à reconnaître, surtout par ce qu’elle n’est pas. L’état qu’il nous faut ne sera pas un état tout puissant, omniscient, jacobin et presque totalitaire à force de vouloir faire tout et pour cela tout controler partout, car un tel finirait par devenir et liberticide et inefficace. Le gouvernement ne devrait pas pouvoir, au motif d’avoir obtenu les suffrages du plus grand nombre, s’affranchir de la loi commune, ni en promulguer qui ne protégent pas les plus faibles, mais les intérêts de ses seuls soutiens. La loi devra être juste et lorsqu’elle ne l’est pas, il doit être possible de la combattre, même en attendant de la changer. Ce sont les fameux check and balances. Mais l’état subsaharien moderne ne sera pas davantage un état minimal, neutre et timide, réduit à un role symbolique et son gouvernement confiné dans des fonctions d’arbitrage même pompeuseument qualifiées de régaliennes, impuissant face aux inéquités et insensible à la pauvreté et à la misère du plus grand nombre, et passif devant le marché qui serait capable de tout résoudre. On le voit, il nous faudra un état solide et fort (non fragile) et des gouvernements légitmes mais impartiaux, utiles et aussi efficaces que possible. De tels états, il va falloir les construire ex nihilo dans la plupart des pays, car nous n’en avons pas hérité et nul ne viendra le faire à la place de nos propres élites. Un tel état est indispensable au commerce fructueux avec ceux qui nous aident ou nous accompagnent. Le chemin sera sans doute long, mais comme dit le sage chinois, « le voyage de mille lieux commence par le premier pas ». Puisse 2014 soit l’année de ce pas, dont la principale vertu sera d’être dans la bonne direction. A IEDAS, nous esperons ardemment y contribuer.

Très bonne année à tous.